Alphonse Dupront |

Comptes-rendus de séminaires

Enseignement 1976-1977

Annuaire de l’EHESS, année 1976-1977, pp. 211-214

Psychologie collective et histoire de la civilisation Européenne

Directeur d’études : M. Alphonse. Dupront

Compte rendu d’enseignement :

Dans la continuité des orientations du Séminaire sur la phénoménologie des Sacralités, trois centres d’intérêt essentiels en ont défini les activités.

   

1- Le grand fait récent de l’Année Sainte s’imposait à notre analyse dans une triple perspective : les continuités historiques ; la poussée populaire à l’encontre des hésitations de la hiérarchie ; la conscience contemporaine des Sacralités romaines.

   

Sans aucune mémoire apparente de l’histoire, celle-ci d’ailleurs plus ou moins mise en question dans la société ecclésiale des clercs, le mouvement de masse, soit plus d’une dizaine de millions de pèlerins au minimum, a fait éclater le discord évident entre deux cultures, la culture moderne des clercs, et celle, traditionnelle quoiqu’éclairée, des masses. Pour elles, l’imago Romae qui semble se dégager d’une enquête conduite sur de nombreux témoignages dans différents pays est celle de la Rome chrétienne, schématisée autour de deux centres, le culte apostolique plus ou moins perdu dans la nuit des temps, et la vénération physique de la personne papale. Aucune papolâtrie semble-t-il, mais dans l’extraordinaire phénomène de l’audience, la recherche plus ou moins panique d’une présence et d’un symbole. Autre originalité de l’Année Sainte 1975, l’imago orbis que concrètement elle manifeste avec une re-création des pulsions sacrales du vieil Occident par la conscience physique de la catholicité. On le trouve de façon saisissante jusque dans le document singulièrement imaginaire des dessins d’enfants romains collectés dans les écoles au cours de l’année. Ainsi les deux points forts de cette expérience collective considérable demeurent-ils au-delà de toute histoire : d’une part deux réalités manifestes, la personne du Pontife et la catholicité ; d’autre part la rencontre. Par contre, les pratiques indulgentiaires liées au Jubilé tendent à s’estomper ou à être violemment remises en cause, signe d’une évolution considérable de la conscience sotériologique collective dans le monde catholique.

   

2- Les franciscains du « Santo » de Padoue ayant eu le courage de provoquer une rencontre sur le phénomène antonien, le Directeur d’Etudes a été sollicité de présenter en introduction une leçon de méthode. La préparation de ce travail s’est poursuivie en Séminaire dans une série de recherches visant à cerner la conscience historique et actuelle du phénomène selon trois perspectives :

  

  1. l’élaboration de la figure du Saint, au partir des premières Vitae (on n’a retenu volontairement que celles qui manifestement pouvaient procéder de témoignages directs ou d’une transmission orale sur la durée environ d’une génération) ;

  2. la construction, singulièrement originale, de l’image du Saint depuis la présentation icônique de la première moitié du xiiie siècle jusqu’à Saint Antoine saint-sulpicien de nos églises, stylisant dans une dramatique apaisée la représentation d’une vision quasi mystique : cinq types iconographiques différents peuvent être dénombrés dans l’évolution de la représentation du Saint, avec des choix géographiques aussi bien que temporels, chacun par lui-même significatif ;

  3. la mise en œuvre liturgique de l’historique et du légendaire dans la constitution d’un cérémonial et de certitudes sacrales, dont l’élaboration la plus intéressante est celle des premiers siècles du culte, - témoignage particulièrement éloquent de la création mendiante d’un culte qui devait devenir l’un des plus populaires de l’Occident, avant de connaître une diffusion planétaire assez exceptionnelle.

  

3- Certaines données manifestes dans le développement de la collecte r.c.p. n°328 en Alsace et en Quercy ont été à différents moments reprises en Séminaire. Parmi celles-ci, on retiendra l’évidence de plus en plus patente du lien entre le pèlerinage traditionnel et le développement des grandes abbayes de l’avant xiiie siècle, soit le complexe évident d’une culture agro-monastique dont les lignes de force affleurent encore dans le mental populaire des recours thérapiques ; sur le plan des cultes sacraux tels qu’ils apparaissent à travers une histoire des titulatures, dans la grande stabilité de celles-ci, une rivalité sourde et fort lente entre les Saints de chacun des deux niveaux culturels, niveau clérical et niveau populaire, les Saints de ce dernier niveau le plus souvent thérapeutes et dont, si leur présence culturelle se trouve par endroit enfouie, la pérennité demeure soit dans le calendrier des fêtes votives soit dans celui des foires. L’une des formes les plus paniquement expressives du recours thérapique demeurant les cultes de thérapie animale, une étude différentielle a été poursuivie en Quercy où ne se retrouvent semble-t-il que des survivances, en Alsace où les fonds de culture germanique demeurent ici et là intacts dans la confusion homme/animal avec un jeu de transfert manifeste, et dans certaines régions d’Italie les plus proches des évolutions occidentales, telles que la Vénétie, la Toscane ou, en contraste, l’Abruzze.

Exposés des participants au séminaire :

  • L. Aurigemma : Analyse de Dialogues avec l’Ange (Aubier, 1976), récit documentaire d’un phénomène de Révélation en Hongrie entre 1943 et 1944 ;

  • P. Bolle : Présentation du film Etienne Le Camus, Cardinal des Montagnes réalisé sous la direction de P. Bolle et J. Godel au partir des Procès-Verbaux des Visites Pastorales de Mgr Le Camus ;

  • M.-H. Froeschlé : L’iconographie des tableaux des chapelles de romérages des anciens diocèses de Vence et de Grasse ;

  • D. Gluck : Le décor géométrique des objets domestiques et agro-pastoraux de la société rurale des xviiie et xixe siècles ;

  • Abbé G. Lefebvre : Recherches sur les signes gravés sur les murs extérieurs des églises du diocèse de Sées ;

  • M. Ozouf : Le genre des « Voyages en France » dans la décennie révolutionnaire : stéréotypes régionaux et regard ethnologique ;

  • E. Picard : Les Théatins à Paris aux xviie et xviiie siècles (L’Eglise Sainte-Anne la Royale ; Cérémonies liturgiques ; Bibliothèque) ;

  • J. Roche : Un culte révolutionnaire aux confins de la forêt de la Guerche : le « Chêne aux Vierges » (Guerche de Bretagne, Ille et Vilaine).

Exposés de conférenciers extérieurs :

  • L. Chatellier : Eude des titulatures et patronages du diocèse de Strasbourg (r.c.p. 328) ;

  • C. Moulin : Eglises et chapelles dédiées à la Sainte-Croix en France ;

  • R.P.J. Ramond : Formes actuelles du pèlerinage de Lourdes ;

  • A. Vecchi : Les légendes hagiographiques : consignation écrite, tradition orale.

Activité scientifique du Directeur d’études :

a) Enquêtes en cours :

Enquête sur les pèlerinages et cultes populaires en Europe Occidentale (e.h.e). – Titulatures des lieux de culte en Europe Occidentale (e.h.e). – Ethno-histoire et Anthropologie religieuse européennes (Alsace ; Quercy ; Italie) (r.c.p n° 328). – L’Année Sainte 1975 (a.s. 0099).

b) Conférences :

Anthropologie religieuse et Histoire (Vicence). – Anthropologie du pèlerinage (Padoue). – Voies d’approche du culte de S. Antoine de Padoue : problèmes de méthode (Padoue).

c) Publications :

 « Du phénomène antonien : approches et problèmes ». Il Santo, xvie année, 2e série, fasc. 2-3 (Padoue, mai-déc. 1976), pp. 25-64.

L. A Muratori et la Société Européenne des Pré-Lumières. Essai d’inventaire et de typologie d’après l’« Epistolario », Florence, Olschki, 1976 (vi-159 p.).

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