Alphonse Dupront |

Comptes-rendus de séminaires

Enseignement 1974-1975

Annuaire de l’EHESS, année 1974-1975, pp. 169-172

Psychologie collective et histoire de la civilisation Européenne

Directeur d’études : M. Alphonse. Dupront

Compte rendu d’enseignement :

L’activité du séminaire s’est essentiellement inscrite dans la continuité d’une recherche sur les approches du Sacré par le pèlerinage et les cultes populaires. On peut valablement la reprendre ici sous trois chefs : pèlerinages ; études sur le terrain et analyses conséquentes ; cultes populaires.

   

Quant aux pèlerinages, au-delà de l’étude des faits proprement dits, il importait d’atteindre à une réflexion sur les formes. Dans la ligne des travaux de l’année précédente, un inventaire et l’étude des signes linguistiques a été poursuivi jusqu’aux confins des transferts eux aussi fort éclairants qui ont diversifié dans l’histoire de la vie chrétienne occidentale les utilisations du pèlerinage et du pèlerin pour les parcours de l’existence terrestre. Mais, au-delà du signe, l’imaginaire sacral collectif a eu besoin d’autre chose. Le pèlerinage s’est constitué des modèles, d’où le développement d’une recherche sur le Saint Pèlerin depuis l’utilisation ambiguë des pèlerins d’Emmaüs jusqu’à la mise en place de représentations du Christ pèlerin ou de la Vierge pèlerine. Cette étude du saint pèlerin s’est attachée d’abord à l’inventaire de tous les saints nommés « Pèlerin » ainsi que de ceux dans la vie desquels le pèlerinage apparaît essentiellement comme principe de sanctification. Dénombrement complexe mais beaucoup plus considérable que l’on eût pensé dès l’abord, où il apparaît que nombre de saints dits « Pèlerin » sont d’abord des saints étrangers, avec culte à large circulation spatiale, et le plus souvent thérapeutes. Autre évidence de cette étude, quant aux saints qui ont vécu le pèlerinage, c’est le lieu du pèlerinage qui paraît jouer un grand rôle pour leur sanctification : Jérusalem essentiellement, à un degré moindre Rome. Sommes-nous là en présence d’un effort collectif pour la sacralisation de la route ?

   

Pareille recherche débouche évidemment sur l’étude iconographique : l’image du saint pèlerin sera l’un des premiers objets de notre recherche prochaine.

   

Les études sur le terrain ont été poursuivies systématiquement en Alsace et dans le Quercy et les données essentielles recueillies, proposées en séminaire à la réflexion commune. Les deux régions sous collecte présentent les caractères communs d’une richesse en traditions millénaires encore fort affleurantes dans la vie contemporaine, et d’une coexistence toujours en place entre cultes chrétiens et cultes ante-chrétiens : terres de la longue durée, elles apportent un matériau de choix quant à l’analyse de la succession éventuelle des cultes, sinon aux mêmes lieux, du moins dans des zones communes de sensibilisation. D’évidence, ces cultes consacrent des accidents cosmiques ou expriment des traditions thérapiques. La strate historique apparente des transferts, toujours saisissable au niveau de la collecte actuelle, demeure celle des grands établissements monastiques : ils ont été les bâtisseurs, tout autant que les exploitants pour leur propre subsistance, de ces lieux de sacralisation. Au-delà de ces indications fortement fondées, la collecte dans l’une et l’autre région a mis en relief des départs d’analyse d’anthropologie religieuse particulièrement prometteurs : pour le Quercy, essentiellement les formes du culte des eaux, organiquement lié, dans les régions des Causses en particulier, à tout essor de vie biologique et animale, avec les très curieux légendaires des lacs de Saint-Namphaise, très sûrement repérés sur tout le causse de Gramat et, à un tout autre niveau, la mise en application d’une méthode originale de relevé sur un territoire déterminé, en l’occurrence celui de l’ancienne vicomté de Turenne, de tous les signes religieux saisissables tant dans les lieux de culte en fonction ou abandonnés que sur l’ensemble de la paroisse ; pour l’Alsace, l’émergence assez remarquable de pratiques plus ou moins culturelles liées au complexe sylvique de la forêt de Haguenau et les formes de rites de passage conservées dans les lieux de pèlerinage sur l’une et l’autre rive du Rhin, à quoi il convient d’ajouter, dans une démarche d’analyse historique, la mise en évidence des strates temporelles d’implantation des cultes, extrêmement expressives des rapports d’influences culturelles en cette terre de marche et dans le bassin rhénan.

   

Toujours sur le terrain mais avec étude complémentaire dans le cadre du séminaire, l’étude des cultes populaires et de leurs principaux traits anthropologiques a été poursuivie. Celle-ci, au cours de l’année, s’est centrée sur les aspects suivants :

  1. l’analyse du sens de la durée dans la mentalité culturelle populaire, avec la cristallisation d’une appréciation toujours extra-temporelle, manière de certitude d’un éternel à l’échelle humaine ;

  2. la constitution des légendaires d’apparitions, transmis de préférence par traditions orales et le moins possible influencés par des niveaux culturels différents, estimés supérieurs ;

  3. le développement de formes de canonisation populaire contemporaine, particulièrement sur les tombes de prêtres assez récemment décédés. Soit une convergence de démarches pénétrant cet autre monde, fort juxtaposé au nôtre, et d’une intensité vitale aussi puissamment enracinée qu’arbitrairement méconnues.

Exposés d’élèves et travaux pratiques :

Mme Laget : Naissance et pratiques de dévotion dans le Bas-Languedoc aux xviie et xviiie siècles.

  

Mme Ozouf : Esprit public et vie populaire à travers le discours des notables (Rapports des Commissaires du Directoire exécutif dans les départements, an vi- an vii).

  

M. Sauzet : Contre-réforme et réforme catholique dans le diocèse de Nîmes au xviie siècle.

  

M. Roche : Les préparations à la mort dans la production imprimée et dans les bibliothèques (xviiexviiie siècles).

   

Mme Périn : Mentalité religieuse et cultes populaires dans les Ardennes à la veille de la Révolution.

  

M. Desplaces : Les fontaines à vertus de l’arrondissement d’Issoudun (de 1732 à nos jours)

   

Mme Froeschlé : Les confréries des diocèses de Vence et Grasse aux xviie et xviiie siècles : étude de statuts.

   

M. Hillau : L’image contemporaine du conflit entre Galilée et l’Eglise : analyse du « Procès de Galillée » de Santillana.

  

Mme Picard : Le couvent des Théatins à Paris aux xviie et xviiie siècles.

  

Mlle Dondaine : Le miracle eucharistique de Faverney (1608)

Exposés de conférenciers extérieurs :

M.F. Margiotta Broglio, professeur à l’Université de Florence : « Recherches contemporaines d’histoire religieuse en Italie ; le Jansénisme italien ».

Activité scientifique du Directeur d’études :

a) Enquêtes en cours :

Enquête sur les pèlerinages et cultes populaires en Europe occidentale (e.h.e). Ethno-histoire et Anthropologie religieuse européennes (r.c.p., n° 328). – Titulatures des lieux de culte en Europe occidentale : Inventaire et profils de circulation (e.r.a., n° 444).

b) Congrès, conférences, missions scientifiques:

Roc Amadour : Réunions de coordination des recherches sur les Sacralités du Quercy. – Strasbourg : Réunion interdisciplinaire (Histoire, Ethnologie, Géographie, Dialectologie…) sur les Sacralités de l’Alsace et en particulier les cultes de franchissement du Rhin.

  

Participation au Conseil Académique de l’Institut Universitaire Européen de Florence. Missions à Rome pour une étude internationale sur les Années Saintes.

c) Publications :

Anthropologie du Sacré et cultes populaires : Histoire et vie du pèlerinage en Europe occidentale, in « Miscellanea Historiae Ecclesiasticae », v, Bibliothèque de la Revue d’Histoire Ecclésiastique, fasc. 61, Louvain, 1974, pp. 235-258.

  

Sous presse aux Editions Olschki (Florence) : Lodovico-Antonio Muratori dans la Société Européenne des Pré-Lumières. – En préparation : Pèlerinages et pèlerins. Pour une anthropologie du pèlerinage (à paraître chez Calmann-Lévy).

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